Présentation

Quand est-ce que l'aventure littéraire a commencé ?

Il est difficile d'établir avec certitude le début de cette aventure. Il faut bien réaliser qu'il y a un contexte personnel et des manifestations où l'œuvre commence à émerger. Néanmoins, l'un n'irait pas sans l'autre.

Le fait est que, aussi loin que je me souvienne et surtout qu'on me le rappelle, je n'étais pas tout à fait comme les autres. Cette différence n'est certainement pas un élément flatteur.

Vu de mon statut d'adulte de 62 ans qui a fait des études de psychologie et pédagogie, il me semble, avec le recul, que j'avais (et j'ai toujours) de sérieux traits autistiques.

Je me souviens de mon père qui rapportait que ma mère, ayant changé un petit rideau à une fenêtre, m'avait mis, alors que j'étais encore jeune enfant, dans un état indescriptible de panique. C'est bien un trait autistique.

J'ai vécu reclus dans la maison familiale avec très peu de sorties, sauf celles qu'imposait la scolarité obligatoire. Ce comportement reclus était-il dû à ma mère surprotectrice ou à mon comportement qui se prêtait à une certaine vulnérabilité ? C'est difficile à déterminer.

L'hypersensibilité était également présente. Il faut dire que j'étais gâté : mon père et ma mère prenaient un malin plaisir à s'envoyer le mobilier et les insultes à la tête. Ma mère adorait jouer à "je t'aime moi non plus", à faire porter des cornes à mon père. Et mon père était généreux en matière de baffes diverses. Le tout agrémenté un jour par une ridicule tentative de suicide à l'encaustique. Eh oui, il régnait une sacrée ambiance dans le cadre familial.

Et de cette forme de chaos organisé émerge un jour une forme d'inspiration, de créativité, qui va m'aider à faire face ! Une de ces formes sera la création littéraire qui m'est venue, d'abord par l'ironie pour résister ou faire front à mon bien-aimé papa.

Et l'autre plus poétique, qui vient des tripes et qui m'est tombée dessus tel un météore dans la cour de l'école. Comme à l'accoutumée, j'étais seul à déambuler sur le pourtour de la cour et je me suis retrouvé face au grand bâtiment en briques rouges, non loin des préfabriqués. Mon regard est tombé sur une flaque d'eau que Brel aurait pu qualifier de "sans amour", et voilà que patatras, j'ai imaginé, voyant le bâtiment qui se reflétait dans la flaque, un château qui se reflétait dans une rivière. Cela était-il projectif ? Cela a, en tous cas, donné naissance à un texte que je peux identifier comme étant ma première création littéraire.

Assez étonnamment, mes parents se sont extasiés devant le résultat, mes grands-parents aussi, ce qui, comme de bien entendu, allait m'encourager à persister sur ce chemin.

Autre élément amusant : en 5e année de mon école primaire commençait l'époque des rédactions. L'instituteur nous confiait un sujet. Je remplissais ma tâche, je faisais corriger l'orthographe par maman car en la matière j'étais, et je suis toujours, loin d'être brillant, et je remettais le travail à l'instituteur. Celui-ci nota en retour : "Bravo maman !". Ma mère étant à l'époque, comme elle l'est toujours, d'un tempérament vindicatif, ne manqua pas d'aller trouver notre pédagogue et de l'inviter à faire réaliser la prochaine fois le travail en classe pour qu'il ait la preuve formelle que l'inspiration littéraire ne venait point d'elle mais de moi.

Je me souviens également d'une rédaction, cette fois-ci en 2e année du secondaire, où la prof de français nous avait invités à rédiger sur un arbre qui allait être abattu. Il semble que j'avais réussi à en faire un monologue dramatique digne d'intérêt.

Mais comme la plupart de mes textes, tout cela s'est perdu ! En fait, on n'archive jamais assez ! Et ce n'est pas un enfant ou un adolescent qui va avoir ce genre de présence d'esprit !

Voilà ce que je peux dire de mon écriture dans la période de jeunesse. Je préfère m'arrêter là car j'ai déjà l'impression de m'être copieusement vanté. En la matière, lorsque l'exercice est court, il est certainement meilleur !