L'antimamère

Le boomer et sa mère (ce qu'il en reste)

L’antimamère, ou la science obscure des cœurs

Antimamère, disons-le d’emblée, est un néologisme taillé dans le manteau étoilé de l’antimatière, une sorte de trou noir lexical pour explorer le vide, ou plutôt le trop-plein, des relations mère-enfant. Tandis que ma mère, souveraine autoproclamée des souvenirs, s’applique à ciseler ses mémoires (qu’elle croit immortelles, la pauvre), je propose ici une autre lumière : un contre-chant. Ou plutôt un chuchotement venu de l’ombre.

Vous trouverez ici un patchwork de tensions et de tendresses, ce doux mélange d’éclats d’amour et d’éclats de voix qui rythme le quotidien des liens familiaux. Textes et chansons se relayent comme deux acrobates sur le fil des souvenirs, oscillant entre exaspération et adoration. Une ode à la complexité, ou peut-être une simple dispute étirée sur plusieurs pages.

Les anecdotes, tantôt mordantes, tantôt baignées de nostalgie, s’enracinent dans le terreau fertile du banal : une recette ratée, un ordinateur en panne (et c’est encore ma faute !), ou le patriotisme cocardier d’une époque où l’on croyait encore au drapeau comme on croit au Père Noël. Mais l’antimamère dépasse le giron maternel : d’autres femmes, d’autres histoires viennent étoffer cette fresque humaine. Comme si une seule trahison ne suffisait pas, il fallait y mêler tout un cortège.

Et puis, comme il se doit dans toute épopée, surgissent des mystères. Il y a la rosse et la rose. Que murmurent donc Hermès et Sophia, funambules en quête d’harmonie ? L’âne d’Apulée, métaphore ou réalité, redeviendra-t-il un homme ou finira-t-il simple anecdote ? Et la Belle, se fiant à la Bête, avait-elle un meilleur instinct que moi, pauvre naïf ? Chaque texte, chaque mélodie est une tentative – vaine mais obstinée – de démêler cet écheveau humain où s’entrelacent confiance et trahison, amour et rancune.

Bon, je l’admets, la rose n’a pas tout à fait disparu : il en reste quelques pétales, mais ils se mêlent aux épines. Dans ce bouquet d’illusions défleuries, l’amour ne s’épanouit plus. Il s’attarde comme un attachement bancal, un lien trop usé qu’on n’a pas su réinventer. La rosse, elle, galope encore dans mes souvenirs, hennissant ses reproches ou ses exigences. Mais parfois, au détour d’un éclat, la rose reparaît, furtive, rappelant qu’elle a existé, qu’elle fut belle.

Vous me direz : « Mais c’est un règlement de comptes, tout ça ! » Oui, sans doute. Mais il faut bien balancer les comptes, à force d’avoir été dupé, trahi, méprisé, manipulé comme une marionnette trop docile. La mère idéalisée ? Partie en fumée, enterrée sous le poids des illusions perdues. Reste un être biface, un miroir brisé où je ne reconnais plus rien, surtout pas l’amour, qui tient plutôt à de l’attachement. Un attachement qui, faute d’avoir évolué, s’est flétri, puis momifié.

En résumé ? Elle m’a trahi, je la trahis. Une symétrie parfaite, à ceci près que le temps tranchera : qui, d’elle ou de moi, avait le cœur le plus lourd de mensonges ? Qu’importe. L’Histoire sera juge. Mais qu’elle prenne son temps : ici, je dépose mes propres sentences.

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