L'antimamère

Le boomer et sa mère

Son smartphone est en panne !

À 19h45 précises, alors que je suis plongé dans un documentaire passionnant, le téléphone sonne. C'est ma mère. Je dîne paisiblement, en bon homme seul que je suis, mais il me faudrait interrompre cette sérénade culinaire ? Je raccroche et, avec la courtoisie d'un bon fils, envoie un message laconique assurant que je la rappellerai dès la fin de mon repas du soir et de mon émission, omettant soigneusement cette dernière partie.

Normalement, dans de telles circonstances, ma mère demeure aussi calme que le lac au clair de lune. Mais oh ! Si par malheur je ne lui annonce pas mon rappel imminent, c'est le plan ORSEC qu'elle déclenche. Elle me cherche d'abord sur divers supports, puis harcèle mes filles, mes proches, pour finir par alerter mes ex-épouses, à leur grande satisfaction, faut-il le dire ! On s'étonnerait presque qu'elle ne fasse pas appel aux forces de l'ordre ou aux médias pour lancer une alerte télévisuelle!

Mais voilà, ayant envoyé le message salvateur, je reprends mon repas et achève mon documentaire.

À peine ai-je rangé la dernière assiette, qu'un nouvel appel retentit. Ma mère n'a-t-elle donc pas reçu mon message? "J'essaie de te joindre, mon téléphone est bloqué!", j’ai dû utiliser ma ligne fixe, me lance-t-elle d'une voix plaintive. Elle continue ensuite, dans une litanie digne des lamentations de Jérémie, à m'expliquer l'importance de joindre le bourgmestre pour une aide familiale.

Le souvenir du dernier épisode de ce genre me revient à l'esprit. Son téléphone n'était pas bloqué; il avait simplement buggé, tout comme son décodeur télé. Chaque malade nécessite un simple redémarrage. Je lui suggère donc la même solution, mais hélas, ma mère et la technologie sont souvent en désaccord et dans cette dysharmonie, elle semble perdre l’audition, surtout quand elle n'est pas motivée.

Deux smartphones bloqués simultanément, c'est singulier. Elle peut trouver ses "stories" et publier des photos de nous sans notre accord, mais pour débloquer un téléphone, le monde doit s'arrêter. Le devoir m'appelle; je dois me déplacer.

Arrivé chez elle, je trouve ma mère atterrée devant les objets récalcitrants. Un simple frottement, et voilà, débloqué! N'était-ce pas son doigt trop sec? L'alcool déshydrate, il faut dire!

Je lui explique la situation et lui propose d'utiliser son bâtonnet scripteur. Oh miracle, tout se débloque! Après avoir nettoyé les écrans, je prends congé au plus vite, refusant une offre de repas ou de boisson. Une mère doit toujours être nourricière, que voulez-vous! Et quant à la boisson, je ne veux pas servir d'alibi.

Ainsi se conclut une autre journée, où les mystères de la technologie sont déjoués par une question de doigté. Était-ce un miracle de l'humour et de la sagesse maternelle? Qui pourrait le dire ? Un jour ordinaire, en somme, dans la vie d'un fils dévoué et de sa mère impénitente. 

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