L'antimamère

Le boomer et sa mère

Rombière

Rombière ou ronds bières ?

Rombière ou ronds bières ? Quelle graphie convient le mieux à ma mère ?
Dois-je valoriser son caractère, de moins en moins comique et de plus en plus infect, ou plutôt son penchant pour la boisson et ses mésaventures éthyliques ?
Le terme "rombière" est un terme familier et quelque peu péjoratif utilisé pour désigner une femme âgée, souvent issue de la bourgeoisie, dont les manières ou les goûts peuvent sembler démodés ou excentriques. Il est important de noter que ce terme peut être perçu comme offensant ou irrespectueux envers les personnes âgées. Il est toujours préférable d'utiliser un langage respectueux et inclusif lorsque l'on parle des autres.
Je suis conscient que le terme est péjoratif et qu'il faut être inclusif, je l'admets. Cependant, avec ma mère, ces règles générales méritent sans conteste des exceptions.
Surtout quand la rombière est aussi ronde qu'une dame-jeanne généreusement emplie !
À l'heure où certains proclameraient le vin salvateur pour ses vertus médicinales, il semble plutôt, dans notre cas, grever lourdement le budget et embuer l'esprit.
Vains sont les efforts des pauvres malheureux qui essaient de faire entendre raison à cette vieille bourrique. Vains sont les efforts pour lui faire comprendre qu'à force de boire, elle diminue ses facultés et se condamne ainsi à un sort des plus funestes.
Les tentatives se muent en quêtes aussi vaines que celles des chevaliers de la Table Ronde cherchant le Saint Graal.
Quel spectacle de la voir, avachie, tel un noble château ruiné, s'effondrant sous le poids de son passé et de ses crus !
Quant à la bière, de la rombière, elle me semble la conduire avec efficacité jusqu'à son homonyme, en une chute finale !

J'ai parfois l'impression que ma mère est une victime collatérale tardive de la Première Guerre mondiale. Adolescente, elle fut initiée à la dive bouteille par son grand-père, ancien combattant et patriote qui l'invitait à boire des “tartines liquides”, comme il disait. Aujourd'hui, on le traiterait d'imbécile heureux. En tout cas, c'est un fait que ma mère est en train de suivre le même chemin que son aïeul, qui finit ses jours dans un asile psychiatrique ! Régler la circulation au milieu d’un carrefour, en agitant un sabre en pleine rue, quelle inconvenance pour un homme de son âge !

Revenons à la rombière. Ce terme, j’affectionnais à l’attribuer à "Tante Suzanne", alias "Pieken Theys", un oiseau de plus mauvaise augure que Twitter que ce grand-père avait prise sous sa protection en des temps lointains, sans doute dans un moment d’égarement ou, je le suspecte, d’ébriété.
Cette vipère s'était hissée au-dessus de l’appartement de mes grands-parents, dans notre localité de résidence. C'était à l'époque où les parents jugeaient raisonnable de se rapprocher de leurs enfants quand ils sentaient poindre au loin la fin. Dire que c'est moi, qui dans ma tendre enfance avait qualifié, dans mon immaturité, cette méprise de Tante ! S'il manquait le serpent à l'arbre généalogique ! C'était chose faite !
C'est ainsi que j'ai pu côtoyer cette figure légendaire tout aussi colorée que mythomane jusqu'au dernier cheveu. Sa propension à transformer de simples anecdotes en épopées pouvait donner à Homère une leçon d'exagération. Ce penchant familial pour le drame, je le crains, se transmet avec plus de facilité qu'une vieille recette de famille.
Mais Pieken Theys avait des instants de lucidité et, dans l'un d'eux, lors d'un repas arrosé, elle se qualifia de rombière. C'est ainsi que charmé par l'objet linguistique, j'ajoutais le mot à mon vocabulaire.
Ma mère vouait une haine féroce à cette mégère qui ne trouva jamais qui l'apprivoiser. Au récit de ses exploits, s'ils n'ont pas été travestis comme il plaît à ma mère de le faire, je peux comprendre ce ressentiment.
Enfin, comment ne pas sourire amèrement en observant ma mère adopter, jour après jour, les traits les moins séduisants de cette harpie ? Ô ironie cruelle de la vieillesse, qui nous joue des tours aussi sûrement que le temps qui fuit entre nos doigts ! Ainsi va la vie, tragi-comédie perpétuelle où chaque personnage joue son rôle, en quête d'un final qui, espérons-le, ne sera pas trop amer.

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