Ce jeudi soir, Madame est une fois de plus de très bonne humeur. Ah, Madame rayonne ! Mais d’un éclat de lampe tempête, vous savez, ce genre de lumière qui clignote d’ironie et de sarcasme en consumant de l’huile noire.
Pas de CSD, Madame est démontée. Pas de Connards pour Servir la Dame, hélas. Madame est en pièces détachées, comme une horloge comtoise dont on aurait perdu le balancier dans le bouillon d'onze heures.
Par contre, dans le genre "crache-venin", imbattable ! Si l’on distribuait des médailles pour les morsures empoisonnées, Madame trônerait au panthéon des vipères charmantes.
Qu’elle soit mécontente, je peux l'entendre, mais qu’elle juge, qu’elle méprise, qu’elle toise, elle m’insupporte ! Qu’elle bougonne, je tolère. Qu’elle tempête, je m’abrite. Mais qu’elle trône sur son piédestal en porcelaine cassée, toisant les insectes que nous sommes, cela, non, mille fois non ! J’ai mes limites, même dans le cirque familial.
Ce soir, elle aurait pu donner la main à l’épicier de la Maison-Blanche. Ce soir, elle avait l’air si imposante — et si parfumée de vanité — qu’on l’aurait vue fort bien accoudée à Donald Trump himself, entre la tronçonneuse et les Tesla enflammées pour républicains revanchards.
Ce qui a mis Madame de mauvais poil d’ourse brune… Madame, ce soir, était d’une humeur à faire fuir les abeilles. Poil d’ourse brune sortant de l'hibernation, grognement de diva vaniteuse. La faute au lendemain : le préfet, ce cher saint patron de son école — école qu’elle chérit comme une oie son foie, c’est-à-dire en l’engraissant d’indifférence.
… c’est que demain Monsieur le Préfet de sa chère école… Demain, Monsieur le Préfet débarque, en grande pompe et petites lunettes. Elle devait l’accueillir, minauder, et paraître ! Hélas, paraître est une discipline d’athlètes — ou de ceux qui font turbiner les autres à leur place.
J’ai aussi appris au détour qu’il y avait quand même son aide-ménagère sur le terrain ce jour. Un ange — payé au SMIC — est passé. L’aide-ménagère, fidèle soldat sur le champ de bataille de la poussière et du désespoir.
Mais, j'y pense soudain. Cela expliquerait tout ! Peut-être va-t-elle être à court de boissons alcoolisées pour le long week-end de Pâques… Quel calvaire, quelle crucifixion ! Elle ressuscite de rage ! Peut-être, dis-je bien, que le véritable drame loge dans une bouteille vide comme une tombe. Un samedi sans son sherry, c’est un sabbat sans sorcières !
Cela, je le découvrirai aisément en voyant le stock de bouteilles ou ce qu'elle me demandera d'aller chercher. Je saurai, à la couleur de ses ordres et à la cadence de ses soupirs, si la cave pleure. Car Madame ne boit pas : elle se venge en liquide.
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