Les Orchidées de l'Orchidoclaste

Les orchidées ! Quelle délicate allégorie des tourments infligés par l'orchidoclaste en chef, ma mère de 88 ans. D'abord, commençons par son talent unique pour attirer le drame comme un phare attire les papillons de nuit. Elle geint sur la mort de mon père tout en dragouillant sur Facebook, une sorte de veuvage multitâche.

Puis aussitôt, la larme essuyée, elle lance : "Va donc prendre en photo mes hortensias pour ma story Facebook !". Déjà, c'est un ordre déguisé en demande, ce qui me procure une sensation aussi douce-amère qu'un chocolat périmé. Je m'exécute, bien sûr, en bon fils dévoué que je suis, conscient que toute résistance est futile.

On pourrait croire que les suppliques vont s'arrêter là mais que nenni, voilà le sommet de la journée : le redressement des orchidées. Ah, ces plantes délicates, symboles fragiles de ma patience mise à rude épreuve. Comme un général sur le champ de bataille, elle dirige l'opération avec la minutie d'un horloger suisse. Mais hélas, la casse est inévitable. Une branche tombe, et c'est le drame ! "Je vais mettre ça sur l'autel de ton père," dit-elle, comme si une orchidée cassée pouvait réparer des cœurs brisés.

Après avoir fouillé pendant quinze minutes pour trouver un vase, une quête digne des travaux d'Hercule, elle exige maintenant que je photographie les survivantes pour, devinez quoi, les mettre sur sa story Facebook. Ainsi, ma journée se termine là où elle a commencé, dans le giron numérique de la matriarche, où chaque like est une fleur d'orchidée arrosée de ses larmes virtuelles.

Et moi, dans tout ça, je me retrouve à méditer sur la beauté éphémère des orchidées et la résilience nécessaire pour survivre à un tel sacrifice dominical. Peut-être qu'un jour, je finirai par comprendre que les vraies orchidées de ma vie sont ces moments de dérision, ces anecdotes qui, malgré tout, me font sourire.