Supplice dominical musical

Il paraît que le vin fait chanter. Mais lorsque ma chère mère décide de s’adonner à cet art, c’est moi qui déchante, car j’endure une véritable épreuve pour les oreilles. Cela pourrait encore être supportable, si son inspiration ne jaillissait pas des tréfonds de quelques verres de vin.

Ce midi-là, deux verres de rosé ont suffi à remonter le mécanisme du "dramophone" familial de deux coups de manivelle. Et la voilà partie dans ses ritournelles familières dans la langue de Vondel, ressassant les mêmes questions qu’il y a quinze jours. Car en matière de chansons comme de boissons, Madame ne connaît pas la modération. Elle me fait penser à une étoile mourante qui devient une supernova, relâchant toute son énergie. Ici, ce serait plutôt une "superdiva" qui explose en souvenirs et en chansons avant de s'éteindre. Elle chante haut et fort, pas très juste et plus très en rythme. C’est un phénomène aussi régulier qu’une horloge suisse, et irritant qu’une mouche à viande dans une salle de concert.

J’essaie, bien sûr, de souffrir en silence, de supporter stoïquement ces mélopées alcoolisées. Mais hélas, mes nerfs, déjà bien éprouvés, n’ont que peu de ressources à opposer à cette torture mélodique, mélancolique et alcoolique. Elle m'insupporte au carré, au cube, à l'infini et au-delà. Plus elle s'enfonce dans son délirium tremolo musical, plus je suis remonté contre cette caricature grotesque qu'elle est devenue. Je sens bien que ma résistance est sur le point de rompre. Il me faudra bientôt capituler ou trouver une échappatoire digne de ce nom, au risque d'exploser ou d'imploser moi-même.

Aujourd'hui, c'est le travail qui va me servir d'échappatoire après avoir pris mon café. Je prends congé et rentre prestement, poussant un gros soupir de dépit ou de soulagement en passant le seuil de mon chez-moi.

À la semaine prochaine pour une nouvelle séance de ce supplice dominical musical. Non, dès ce soir, car j'entends ses maudites chansons jaillir du fond de ma mémoire pour venir me tourmenter avant l'heure!