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Dans cette vieille villa aux murs décrépits, témoin silencieux d'une gloire passée, se joue un drame quotidien que seul un œil avisé pourrait percevoir. Là, au milieu d'un salon jadis somptueux, trône Madame L., autrefois professeur de langues distinguée, aujourd'hui prisonnière de ses propres démons.
Son compagnon le plus fidèle, un chat européen nommé Nelson, petit et trapu, à la bedaine pendante, l'observe de ses yeux ambrés. Ce félin, d'apparence placide, cache sous son embonpoint une vivacité d'esprit et un flegme digne de son illustre homonyme, l'amiral britannique. Il est le spectateur muet de ce naufrage quotidien, de cette lente descente aux enfers d'une femme de 88 ans, dont l'esprit s'égare dans les brumes de l'alcool et de la sénilité.
Madame, jadis si éloquente dans ses cours d'anglais, n'est plus que l'ombre d'elle-même. Ses doigts tremblants s'accrochent à un verre mal lavé, rempli d'un liquide dont la nature douteuse n'a d'égale que son effet dévastateur. Dans ses moments de lucidité, elle contemple les vestiges de sa fortune passée, ce patrimoine qui fond comme neige au soleil sous l'effet de ses extravagances séniles.
Nelson, impassible comme un officier sur le pont d'un navire en perdition, observe ce ballet grotesque. Il a vu des meubles, des toiles, des bibelots, des livres disparaître un à un, vendus pour satisfaire les caprices d'une maîtresse dont la raison vacille. Il a assisté, impuissant, à l'arrivée de cet avocat, gardien imposé d'une fortune en déroute. Mais dès que ce dernier tourne le dos, la folie reprend ses droits, et notre félin assiste, pattes croisées, avec un stoïcisme tout britannique, à ce spectacle navrant.
Dans cette demeure qui tombe en ruine, faute de soins et de moyens, Nelson reste le seul témoin constant de cette déchéance. Il observe, avec une sagesse que seuls les chats possèdent, les errements de cette vieille dame qui, dans sa délinquance sénile, semble avoir trouvé une seconde jeunesse.
Ainsi, jour après jour, dans cette villa délabrée, se joue une scène digne des plus grandes tragédies, où Nelson, ce simple chat européen devenu amiral de fortune, devient le gardien silencieux d'une vie qui s'éteint, d'une fortune qui s'effrite, et d'une raison qui s'envole. Tel son homonyme face à la tempête, il reste fidèle à son poste, prêt à sombrer avec sa maîtresse si le destin l'exige, témoin imperturbable d'un naufrage qui semble inéluctable.
Hélas ! Le destin, ce grand metteur en scène de nos vies, n'avait pas fini de tisser sa toile autour de ce duo improbable. La chute de Madame, inexorable comme le temps qui passe, ne pouvait que culminer en un dernier acte aussi brutal qu'inévitable.
Un matin gris, la villa, jusqu'alors théâtre de ce lent naufrage, s'anima soudain d'une activité inhabituelle. Des hommes en blouse blanche, visages graves et gestes précis, vinrent arracher Madame à son refuge délabré. L'institut spécialisé, cette Bastille moderne pour esprits égarés, allait désormais être sa demeure.
Mais dans ce drame, quel sort le destin réservait-il à notre héros félin ? Nelson, stoïque jusqu'au bout, observa le départ de sa maîtresse avec ce mélange de détachement et d'inquiétude propre aux chats. Lui qui avait été le gardien fidèle de cette forteresse en ruine se retrouvait soudain dans royaume sans souveraine à surveiller.
La maison, ce navire échoué, fut bientôt mise en vente. Les murs qui avaient abrité tant de souvenirs, tant de folies, allaient passer à d'autres mains, ignorantes du drame qui s'y était joué. Et notre Nelson, que deviendrait-il ?
Ironie cruelle du sort, lui qui avait été le témoin silencieux de la déchéance de Madame L., se retrouvait maintenant le plus à plaindre. Sans foyer, sans cette compagne de misère qu'il avait si fidèlement gardée, que lui restait-il ?
Ainsi s'achève l'histoire de Madame et de son fidèle Nelson, rappelant à tous que dans les grandes tragédies de la vie, ce sont parfois les spectateurs silencieux qui paient le plus lourd tribut. Car n'est-ce pas là le sort le plus cruel : survivre pour témoigner d'un monde disparu, dont on fut l'unique et impuissant gardien ?
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