Je suis désespérée !

Ah, la désespérance… Ce mot qui, chez Madame, résonne comme une cloche fêlée au sommet d’un clocher en ruine. Trois, quatre fois par jour, au minimum, voilà qu’elle nous gratifie de cette litanie pathétique, avec une constance qui ferait pâlir un métronome bien réglé. Madame, figurez-vous, aime le drame. Elle en fait des caisses, des tonnes, à tel point que même le ridicule, cet infatigable compagnon de l’alcool, semble vouloir s’éclipser discrètement pour ne pas être associé à tant de lyrisme outrancier.

L’autre jour, après une bière suivie d’un rosé – l’assemblage parfait pour qui veut rendre hommage à feu, Petit Bom, je traduis,  Papy le résistant – Madame décide de nous offrir un grand moment d’histoire. Elle, qui avec sa verve émoussée par les vapeurs d’alcool, souhaitait raconter la libération de sa ville natale avec une emphase qui aurait fait rougir Malraux et pâlir De Gaulle, même aidée par l'intelligence artificielle, finit par trébucher sur un obstacle technique aussi ridicule que cosmique et comique : le copier-coller. Ah, cet infâme copier-coller ! Le voilà devenu l’ennemi juré de sa journée, l’instrument de torture numérique qui transforme Madame en Sisyphe des temps modernes, condamnée à demander dix fois comment faire, sans jamais comprendre.

Pourtant, très curieusement, lorsqu’il s’agit de se laisser tenter par les douceurs de la bêtise ou de se ruiner pour des voyants aussi obscurs que véreux, Madame retrouve une autonomie suspecte. La technologie devient alors un jeu d’enfant, une seconde nature, comme quoi, la détresse n’est qu’une question de priorité. Quant à moi, face à ce marasme pathétique, j’ai pris soin de ne surtout pas répondre ou ne plus agir que dans l'ombre. Car, voyez-vous, parfois le silence et le côté obscur sont la meilleure des réponses, quant à observer le cirque de loin, quel délicieux spectacle!