Ah, Mama Mia !

Ma mère vient tout juste de partager dans sa story une chansonnette interprétée par l'un de ses amis, restaurateur de métier. Pour le moment, toutefois, cet ami semble plus enclin à gratter sa guitare, proposant des mélodies tant en français qu'en italien. L'écouter évoque cette ambiance si particulière des gondoliers vénitiens fredonnant doucement tout en naviguant avec les touristes dans les canaux de la Sérénissime, ou de ces chanteurs napolitains qui émaillent nos souvenirs estivaux. Voyant ma mère promouvoir si ardemment cet artiste, comme si elle était son agent publicitaire, une expression m'a soudainement traversé l'esprit...

Ah, "Mama mia" ! Cette charmante locution italienne si souvent utilisée pour exprimer surprise, frustration, émerveillement ou désarroi. De fait, elle trouve sa place dans moult situations, signalant une émotion des plus vives. Dans mon cas, la chose se complique : "Mama mia ! La mia mama !". Traduisons cela par : "Maman ! Oh, ma maman !".

Cette figure maternelle, en elle-même, est un phénomène singulier. Elle mêle naturel et dimension démesurée, si bien qu'on pourrait s'écrier : "Ciel, ma mère !".

Lorsqu’elle intervient, le plus banal des évènements peut soudainement prendre des allures de grande parade. Il enfle, gonfle, telle une baudruche, puis se dégonfle soit lentement, dans une pétarade de soulagement, soit brutalement, tel un ballon échappé prématurément à son gonfleur, réalisant une danse aérienne incongrue avant d’atterrir de façon, disons-le, assez inattendue. Et parfois, elle explose, généralement avec l'intensité d'une fission nucléaire.

Les conflits avec ma mère semblent suivre les lois du chaos. Oui, même un battement d’aile de papillon, ou tout autre acte anodin, peut, de manière inattendue, se retrouver magnifié, dramatisé, finissant en un scénario digne de Dante mis en scène à par la Paramount ou la Metro-Goldwyn-Mayer !

Illustrons avec une histoire simple : un bonhomme de neige, immortalisé par mon aînée et fièrement exposé sur son Facebook. Ma mère, telle un aigle royal, s’en empare pour parader sur sa story : « Voyez le magnifique bonhomme de neige réalisé par ma petite fille ! ». Et pourtant, ma fille n’a jamais prétendu être l’artiste derrière cette charmante effigie hivernale. Mais, dans l'esprit de ma mère, c'était une évidence, une révélation quasi-divine !

Oh, ne tentez pas de la contredire, ou même d'émettre le moindre doute. Elle vous accusera de sacrilège, vous excommuniera de sa communauté virtuelle, telle une prêtresse offensée. Malheureusement, j’ai été épargné par ses foudres. Peut-être parce qu'elle apprécie trop mes publications pour les partager avec son troupeau fidèle ?