Comment envoyer un email à un poisson rouge ?
Ma mère, une femme de forte conviction, clame à qui veut l'entendre qu'elle n'est pas 'gagate'. Elle le répète avec tant de vigueur et de régularité qu'on pourrait presque croire qu'elle essaie de convaincre les meubles, qui, entre nous, semblent déjà assez sceptiques. Chaque réitération de cette assurance sonne un peu moins convaincante que la précédente, comme si même les mots eux-mêmes commençaient à douter de leur propre vérité.
En observateur détaché, je ne peux m'empêcher de noter que son compte en banque suit un chemin parallèle à sa santé mentale - les deux semblant participer à une course effrénée vers le néant. J'ai tenté, avec la patience d'un saint et la ténacité d'un agent de recouvrement, de la mettre en garde contre les charognards financiers qui l’encerclent. Malheureusement, mes tentatives de communication semblent aussi efficaces qu'un courriel adressé à un poisson rouge.
Un jour, dans un moment de clarté surprenant, elle décide de vendre sa maison - cette fosse financière déguisée en nid douillet. Mais, fidèle à son style, ce moment de lucidité n'est qu'une courte pause dans le feuilleton continu de sa confusion. Aborder le sujet de son entendement relève presque de l'insulte - elle n'écoute rien, n'entend rien, se complaît dans un entêtement digne d'une mule de l’île de beauté.
Et puis, il y a ses mensonges, une véritable galerie d'art dans le monde de la déformation de la réalité. Face à chaque personne, elle présente une version différente des événements, comme un chef d'orchestre dirigeant une symphonie de fictions. Quand elle est confrontée à ses propres incohérences, elle se métamorphose en une martyre, attirant la sympathie comme un aimant attire les clous.
J'ai longtemps considéré son cas avec un détachement quasi scientifique, comme si j'étudiais un spécimen particulièrement intrigant sous un microscope. Mais récemment, elle a réussi l'exploit de tirer sur ma corde sensible, ébranlant ma patience et ma sérénité. Mon exaspération, qui a toujours été d'une nature plutôt paresseuse, semble maintenant se développer avec une vigueur inattendue. Je crains que le destin, qu'elle a elle-même tissé avec une obstination d'artiste, ne s'abatte sur elle. Et naturellement, dans le grand théâtre de la vie, qui sera désigné comme le responsable ? Moi, bien sûr.
Après tout, n'est-ce pas évident ? À jeter l'argent par les fenêtres, on ne fait qu'inviter le magistrat à entrer par la porte.
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