Extrait du journal du fils désabusé d’une mère stratégiquement généreuse
Samedi 26 juillet 2025 – 20h01 précises. (La précision est capitale. Comme dans tout bon drame bourgeois.)
Il était aux alentours de 20h01, heure légale belge, certifiée par ma montre interne d’enfant devenu adulte et néanmoins prisonnier des automatismes affectifs.
Demain, c’est dimanche. Le genre de dimanche qui sent le rôti sur buffet froid, les authentiques faux sourires et les plateaux de tartes déclinant la prune sous toutes ses formes : familiale, pâtissière, ou existentielle.
Ma mère appelle. Ton calme, voix doucereuse, modus operandi de la perfidie bien emballée.
Elle me rappelle que nous nous rendrons chez sa petite-fille, c’est-à-dire ma fille, pour une fête ! Qui sait que je ne développerais pas une démence sénile ?
Et, comme tombant de la bouche de Dieu dans un téléfilm bavarois, elle prononce cette phrase qui a instantanément ravivé toute une série de traumatismes post-apocafleuristes :
« Je ne vais quand même pas arriver les mains vides ! »
🧠 Flash-back numéro 1 : La petite enveloppe de la discorde
Ah, ce n’était pas la première fois que la formule tombait. loin de là ! Deux ans plus tôt, déjà pour l’anniversaire des trente ans de ladite petite-fille, elle avait effectivement évité de venir mains vides.
Elle était venue... main vide gauche, main vide droite, mais avec une enveloppe à 10€.
Oui. Dix euros.
En lettres et en chiffres. Soit l’équivalent affectif d’un menu enfant sans dessert, mais glissé dans une jolie enveloppe, accompagnée d'une longue lettre pleine de stéréotypes au style pompier, pour faire "occasion".
Je ris intérieurement.
Un rire sec, nerveux, presque clinique.
Un rire que seule une mémoire infantile en éternellement en convalescence peut émettre.
🚗 Flash-back numéro 2 : L’absurde expédition florale !
Me voilà projeté plus loin. Dans ce marais vaseux de ma préadolescence, assis à l’arrière de la voiture familiale, entre une ceinture de sécurité pas encore inventée et un coussin qui sentait l’eau de Cologne bon marché.
Maman s’est pomponnée. Longtemps. Très longtemps.
Trop longtemps.
Papa piaffait au volant, métaphore équestre pour dire qu’il grognait comme un bull-terrier sous calmants.
Enfin, Maman daigne entrer dans la voiture.
Et là ; scène classique, théâtre de boulevard, elle lance, tout sourire comme si elle venait de recevoir une révélation d'un ange diabolique :
« Il faut aller chercher des fleurs. On ne peut pas arriver les mains vides ! »
La phrase de l’apocalypse.
À ce moment-là, j’ai compris ce qu’est l’éternel retour. Nietzsche n’avait rien inventé. Il avait juste mal vécu un dimanche en famille.
🌷 Chez le fleuriste : chronique d’un sabotage organisé
Il est tard. On roule. On cherche. On trouve enfin un fleuriste ouvert, comme une anomalie dans l’univers.
Et nous voilà tous en file indienne, comme un ballet grotesque orchestré par l’urgence sociale du "cadeau de dernière minute".
La grand-messe du faux don mais des vrais bons paternels !
Le capitalisme affectif emballé dans du cellophane froissé.
🤡 Maman, clown blanc du théâtre familial
Elle inspire beaucoup, Maman.
Deux faux-semblants, dix hypocrisies sociales, un bling-bling familial, et un bouquet de regrets en pot.
Ce soir encore, à 20h01, cette simple phrase :
« Je ne vais quand même pas arriver les mains vides ! » ;
a fait surgir tout ce barnum intérieur.
Et je me dis, avec cette voix de narrateur de la BBC qui commente un documentaire animalier :
"Chez l’humain femelle de type matriarcal, le réflexe d’offrande se manifeste tardivement, souvent à l’orée du départ, dans un élan de panique socio-cérémonielle."
⚰️ Épilogue (provisoire)
Je crains, oui, qu’un jour, le dernier peut-être, ce genre d’images me reviennent.
Et qu’à mon chevet, alors que mes paupières seront aussi lourdes que les décisions, je la voie revenir de l'au-delà pour me chercher et que j’entende une dernière fois dans un souffle vaguement parfumé :
« Tu sais… je ne suis pas venue les mains vides… »
Et là, sur mon lit de mort, je saurai.
Elle a encore apporté... une enveloppe de 10€ ou moins encore !
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