Il y a des histoires qui nous habitent, des récits familiaux qui méritent d'être racontés. Celui de ma mère et de son Athénée en fait partie. Une histoire d'amour professionnelle à sens unique, où les grands discours masquent une réalité plus prosaïque. J'ai d'abord couché ces souvenirs sur papier, avant de les transformer en chanson.
Le texte est né d'une observation : ce contraste saisissant entre les louanges infinies que ma mère prodigue à son ancien établissement et son refus catégorique de lui faire don de la moindre chose. Un paradoxe qui illustre parfaitement ces relations complexes que nous entretenons parfois avec nos institutions.
Ah, ma mère, c'est un roman-feuilleton qui s'écrit dès qu'on ose effleurer les marges d'un de ses chapitres. On n’a qu’à mentionner son école bien-aimée, et aussitôt, les grandes orgues célestes résonne ! Une cascade de louanges, de justifications, de « tu ne comprends pas, c'était différent à mon époque ». La vieille dame trouve toujours mille raisons pour défendre l'Athénée comme on défend une relique sacrée.
Mais... pour y apporter ne serait-ce qu’un geste, un souffle symbolique ? N'y comptez pas, braves gens. L’émotion, oui, la générosité, jamais !
Tenez, parlons de ces fameuses revues d'histoire que mon père chérissait comme des trésors. Elles avaient une valeur, non pas sonnantes et trébuchantes, mais d’une noblesse intellectuelle indiscutable. À qui les léguer ? À l’école ? Quelle idée saugrenue ! Elle a préféré en tirer quelques billets froissés. Quant aux livres d’art, tout aussi précieux mais devenus invendables comme des reliques sans preneur, vous croyez qu'ils auraient pu illuminer la section tourisme et culture de l’établissement ? Vous êtes bien naïfs. Même refrain : un petit gain avant tout pour ses petits verres !
Ah, ma mère, dont l’amour pour son école s’arrête là où commence son portefeuille et finissent ses bouteilles. Hypocrisie ou vénalité, le choix est mince. Tout, sauf l’altruisme. Mais attention, pour le prestige, elle répond présente. Surtout lorsqu'il s'agit de transmettre au directeur des anecdotes pour le grand livre de l’histoire de l’école. Voilà qu’on l’invite en grande pompe à une cérémonie pour recevoir cet ouvrage. Et là, elle me sollicite : « Tu pourrais me conduire, non ? » Moi, conduire cette dame à cette gloire qu’elle ne mérite pas ? À cette mascarade où l’on couronne une Judas de laurier ? Non, merci.
Qu’on ne compte pas sur moi pour devenir l’acolyte de cette tragi-comédie. L’histoire retiendra peut-être ses discours, mais moi, je retiens son mépris pour les actes simples et justes.
C'est alors qu'est venue l'idée de transformer cette chronique en chanson. Du flot créatif une version a fini par émerger sans doute soufflée par une autre mer, celle de Trenet.
Contrairement au texte, elle prend un chemin différent. Sans rien céder sur le fond, elle enrobe la critique dans une mélodie plus légère, des "la la la" caractéristiques et des arrangements jazzy qui rappellent la grande époque de la chanson française.
Cela lui donne un petit air malicieux, comme un pied de nez moqueur à l'adresse de l'intéressée.
Puisqu'elle a préféré ses petits verres à un geste noble digne de la mémoire de mon père et bien que la sienne soit rongée par mes petits vers !
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