L'antimamère

Le boomer et sa mère

Commedia dell'arte o arte della commedia ?

En français, commedia dell'arte ou art de la comédie ?

Ce dimanche, après le repas, ma mère semble avoir comme une illumination. Elle me dit qu'elle a passé une mauvaise nuit, qu'elle a été préoccupée dans son sommeil. Elle voudrait que j'aille chercher la valisette aux bijoux dans la cachette.

Je me demande alors, en mon for intérieur : “Mais que cherche-t-elle ?” Car cela fait quelques semaines que je suis déjà au courant qu'elle a bazardé l'ensemble de ses bijoux pour quelques billets, pour payer quelques voyants pour quelques prédictions vaseuses ou “éthylico-amoureuses”.

Après avoir réprimé une moue qui aurait été un désaveux, je me mets donc en devoir d'aller chercher cette valise que je sais pertinemment vide. D'abord parce que des personnes de confiance m'ont rapporté qu'il avait vu des photos montrant que la valise et les bijoux étaient partis, photos prises par la personne contactée par ma mère pour les lui racheter. J'avais contrôlé moi-même, une semaine auparavant, la valise en question pour constater qu'effectivement les bijoux s'étaient tous évaporés et qu'il ne restait que des écrins vides, un peu comme ma mère, de belles apparences mais vide à l'intérieur.

Je me rends donc à ladite cachette, je prends la valisette que je sais être vide et me rends de voir, de la descendre, de la poser sur la table de la salle à manger et je laisse ma mère regarder le néant.

Que me veut-elle en définitive ?

Est-elle en train de me jouer une comédie pour me faire passer la pilule ou son cerveau s'est-il à ce point dégradé ? A-t-elle oublié les faits et sa forfaiture ?

J'entends quelques "oh là là, oh là là", mais cela manquait de conviction, la scène était sous-jouée.

Je ne peux m'empêcher de lui lancer calmement (étonnant) : "Mais à quoi t'attendais-tu ? Tu sais, j'ai quand même parfois mes informations parallèles et je sais pertinemment que tu les as liquidés."
"Mais je les avais cachés, j'avais pourtant mis un clou pour bloquer la cachette !"

Un peu excédé et pour éviter que cela ne dégénère trop loin, je lui lance alors : "Maman, quand on fait entrer des truands dans sa maison, il ne faut pas s'étonner d'être truandé."

Dans sa réponse faite de mots enchevêtrés, je crois comprendre que quand on est vieux, ce n'est pas facile. Et moi de lui compléter : "Et oui, comme disait l’autre : la vieillesse est un naufrage !" Pardon pour les admirateurs du général de Gaulle, mais j'évite de citer son nom devant ma mère qui ne peut s'empêcher de lui adresser mille reproches. Et si je l'avais assimilé à Pétain, elle ne l'aurait certainement pas non plus apprécié, vu le caractère très collaborateur de l'individu.

J'ai alors coupé court au débat, j'ai remis la valisette d'où elle venait, la replaçant dans la cachette, je me demande bien pourquoi d'ailleurs, et j'ai évité d'aborder encore le sujet avec ma mère qui, d'ailleurs, ne semblait pas plus affectée que cela.

Une autre fixation s'est alors manifestée dans son cerveau brumeux, non pas à cause de la vieillesse mais des deux ou trois verres de vermouth enfilés durant le repas, ce qui convenait tout à fait à un poulet aux champignons. "Oh, mon beau manteau de fourrure, est-ce qu'il est encore là ?" En reposant la valisette, j'avais vérifié au passage : l'objet est toujours dans la penderie. Lui, car pour le reste, n'insistons pas, tous les disques d'enfants que je chérissais tant avaient eux disparu, bien entendu.

Je lui apprends la nouvelle et j'entends comme un soupir de soulagement. Avec une pointe d'ironie, je lui souligne que l'objet est encore là pour le moment, mais que je ne garantis pas qu'il fera encore partie du mobilier disponible dans la maison dans deux semaines. Je lui signale aussi qu'il ne faut pas compter sur ses petites-filles pour le récupérer l'objet, car cette génération a une répulsion certaine pour les peaux d'animaux qui ont été tués pour les besoins de la cause. Au fond peut-être lui ais-je désigné la prochaine victime et donné une idée pour encore tirer quelque argent pour quelque voyant, médium ou marabout rebouteux? 

C'est sur cette dernière information que s'arrête l'épisode au terme duquel je me demande toujours si elle me joue la comédie, si c'était une réflexion consciente ou une de ces multiples tentatives de manipulation dont elle a le secret. Ce qui est étrange, c'est qu'elle n'avait pas l'air si affectée que cela par l'ampleur de ce qui est bien un désastre. 

La valise et le manteau

Au terme de cet épisode, il a bien fallu que je m'extériorise musicalement. J'ai alors pris le style des truands pour raconter la vieille canaille truandée tentant à son tour de me truander.

La valise et le manteau

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