J'ouvre cette page complexe avec une chanson de Bénabar. L'auteur y évoque une série de conflits intra et interpersonnels et y associe l'effet papillon. Créativité artistique et analyse pertinente issue du bon sens d'un auteur compositeur qui connait les lois de l'harmonie musicale et intuitivement celle de l'humanité et de l'univers. En fait, il pointe la direction du chemin que je vais emprunter avec vous.
L'effet papillon fait partie de la théorie du chaos et cette théorie du chaos intègre les algorithmes du conflit que nous venons de voir dans les pages qui précèdent.
Si le battement d'aile d'un papillon quelque part au Cambodge
Déclenche sur un autre continent le plus violent des orages
Le choix de quelques uns dans un bureau occidental
Bouleverse des millions de destins surtout si le bureau est ovale
Il n'y a que l'ours blanc qui s'étonne que sa banquise fonde
Ça ne surprend plus personne de notre côté du monde
Quand le financier s'enrhume ce sont les ouvriers qui toussent
C'est très loin la couche d'ozone mais c'est d'ici qu'on la perce
C'est l'effet papillon, petites causes, grandes conséquences
Pourtant jolie comme expression, petites choses dégâts immenses
...
Extrait de la chanson : L'effet papillon
Artiste : Bénabar
Album : Infréquentable
Date de sortie : 2008
Genres : Chanson française, Musique alternative/indé, French Indie, Pop
Nous sommes des éléments dans un mais aussi plusieurs systèmes et que ces systèmes sont eux-mêmes dans d'autres systèmes. Tout ce petit monde interagit !
Quand le battement d'ailes d'un conflit ou d'une tension se produit quelque part dans cette mécanique d'interactions qui répond à des règles déterministes mais aussi à des résultats de probabilités cela peut donner des conséquences totalement démesurées et imprévisibles, des emballements qui peuvent-être locaux mais aussi viraux.
Dans ce petit jeu, nous avons prise sur certaines choses et pas sur d'autres. Il importe de différencier l'un et l'autre comme dirait Epictète dans son Manuel (Si vous voulez en savoir plus).
« Il y a des choses qui dépendent de nous et d’autres qui ne dépendent pas de nous. » – Epictète
Je reprends ici un extrait du livre Thérapies brèves : principes et outils pratiques.
« Si notre enfant fait des bêtises, c’est que nous l’avons mal élevé. » « S’il se suicide, ce sera de ma faute. » Quelle est la structure de ce raisonnement ? Je débarque de l’avion de 16 h 30 à Ouagadougou. Je suis le dix-septième passager à descendre la passerelle. Un sniper me tire une balle dans la tête : il s’était juré d’abattre le dix-septième et c’était moi ! Il semble y avoir une relation linéaire entre l’arme de l’agresseur et la tête de la victime : celle-ci semble, d’après les éléments dont nous disposons, être la « pure victime » de son agresseur. Suis-je « partie prenante » de mon problème ? Certains le diront parce que j’étais là… Mais il faut bien être quelque part ! En revanche, n’ayant pas eu l’occasion de répondre à mon agresseur, je peux qualifier notre interaction de linéaire. Si par contre, un agresseur m’accoste dans la rue et exige de moi quelque chose sous la menace d’une arme, ma réponse verbale et non verbale « ferme la boucle » de la circularité.
Doutrelugne, Yves; Betbèze, Julien; Cottencin, Olivier. Thérapies brèves : principes et outils pratiques (Pratiques en psychothérapie) (French Edition) (p. 69). Elsevier Health Sciences. Édition du Kindle.
Dans l'extrait du livre qui précède, nous voyons bien que si une personne est victime d'une tuile qui lui tombe sur la tête, cela peut être dû à une ..
- causalité linéaire : A cause B : A ⇒ B
Si un météorite me tombe sur la tête alors que je me rends au travail comme dans cet exemple, c'est la faute à pas de chance. Le destin du météorite a croisé le mien. Point.
- causalité circulaire : A cause B et B cause A en ne sachant pas qui de A ou B a commencé : A ⇔ B
Cette fois-ci, je me fais piquer par une guêpe alors que je suis le chemin qui mène à mon travail. C'est pas de chance certes mais peut-être est-ce que je dégageais le parfum d'un bonbon qui l'a attirée. Donc mon comportement est partiellement la cause de cet effet qui ne déplairait pas à Leibniz.
Il reste enfin le cas où je me fais sauvagement agresser par un élève que j'ai mis en échec pour son travail de fin d'étude et que j'ai persécuté durant toute l'année. On me dira que je récolte ce que j'ai semé comme d'autres diraient que l'élève avait récolté les fruits de son manque de travail. Question de point de vue, de système de valeurs.
Nous voyons donc que nous nous avons une prise (au moins partielle) sur la causalité circulaire.
Encore faut-il, comme le dit Epictète, que nous soyons en mesure de différencier ce qui nous rend libre et ce qui nous rend esclave.
Percevoir sur quoi agir et comment interagir.
Souviens-toi donc que, si tu crois libres ces choses qui de leur nature sont esclaves, et propres à toi celles qui sont étrangères, tu seras entravé, affligé, troublé, tu accuseras dieux et hommes ..
* * *
Écarte donc ton aversion de toutes les choses qui ne dépendent pas de nous, et reporte-la sur les choses qui, dépendant de nous, sont contraires à la nature ..
- - -
Epictète
Dans les jeux psychologiques, comme dans les explications données par Gérard Jugnot qui joue le rôle d'un psychothérapeute : "Vous avez remarqué ? Quand vous vous disputez, cela commence toujours de la même façon, cela se termine toujours de la même façon". Il souligne bien que le conflit suit des algorithmes, des règles du jeu répétitives rassurantes et/ou désespérantes selon les points de vue, car porteuse d'une répétition plutôt que d'une innovation.
Pourtant, il y a d'autres cas qui relève du grain de sable qui peut se glisser dans cette mécanique et produire de splendides grippages, blocages ou rebondissements.
Ce sur quoi nous avons prise ?
- Les interactions? Non dans ce qu'elles nous envoient mais dans ce que nous envoyons.
- "Les portes que nous ouvrons".
Si je suis continuellement sur la défensive, en craignant de me faire agresser, j'envoie par mon comportement verbal et non verbal des signaux de "faiblesse" à mon environnement. Les lois de la probabilité font que lors d'un "tirage de la grande loterie du quotidien", un prédateur passe par chez moi. J'ai laissé la porte ouverte, il entre. J'ai causé quelque part l'agression. Ce n'est pas de la causalité linéaire mais circulaire.
Il donc important de différencier l'un et l'autre dans le déclenchement d'un problème ou d'un conflit.
Mais de toutes manière si la causalité linéaire donne le point de départ, elle enchaîne avec la causalité circulaire.
Mon père citait souvent Jean-Paul Sartres : "L'homme n'est rien d'autre que ce qu'il se fait. Tel est le premier principe de l'existentialisme. L'important n'est pas ce qu'on fait de nous, mais ce que nous faisons nous-même de ce qu'on a fait de nous." (Jean-Paul Sartres dans son essai : L’existentialisme est un humanisme, 1946).
Notre existence (nos interactions avec le monde, être ici et maintenant dans un espace déterminé, propre à chacun) précède l'essence (ce que nous sommes véritablement). Nous ne contrôlons pas certaines causalités linéaires mais nous avons au moins partiellement prise sur la suite des causalités circulaires.
Et sur quoi n'avons-nous pas prise ?
La causalité linéaire pardi.
Un jour en allant prendre mon train à la gare de Tournai, mon regard croise celui un homme attablé à la terrasse d'un café. Il était du genre bien baraqué, un dur, un tatoué (comme aurait dit Fernandel). Plus nos regards se croisait plus je sentais arrivé en retour de l'agressivité prête à jaillir. Comme pour un appel importun, j'ai instinctivement vite coupé le fil du regard et accéléré le pas. Ce jour là, à cette heure et ce moment là, j'ai peu être sauvé ma vie. Je préfère ne pas être mort ou blessé pour avoir prouvé que j'avais raison. On voit bien dans l'exemple que si je n'avais pas prise sur la rencontre, je l'avais bien sur ses suites.
Selon Wikipédia (le 04/05/2022) : En mathématiques, la théorie du chaos étudie le comportement des systèmes dynamiques très sensibles aux conditions initiales, un phénomène généralement illustré par l'effet papillon. Pour de tels systèmes, des différences infimes dans les conditions initiales entraînent des résultats totalement différents, rendant en général toute prédiction impossible à long terme.
Cela concerne même les systèmes purement déterministes (ceux dont le comportement futur est entièrement déterminé par les conditions initiales, sans aucune intervention du hasard) : leur nature déterministe ne les rend pas prévisibles car on ne peut pas connaître les conditions initiales avec une précision infinie. Ce comportement paradoxal est connu sous le nom de chaos déterministe, ou tout simplement de chaos.
Si vous cliquez sur le lien ci-dessous vous verrez une illustration du double pendule avec où le lancement de l'un et de l'autre a été fait dans des conditions initiales pourtant d'une infime différence.
Source : https://fr.wikipedia.org/wiki/Th%C3%A9orie_du_chaos
La définition populaire est celle que nous donne le dictionnaire l'internaute : Expression nous venant de l'anglais "butterfly effect" tirée d'une conférence d'Edward Lorenz. L'effet papillon est matérialisé par une chaîne d'événements qui se suivent les uns les autres et dont le précédent influe sur le suivant. Ainsi, on part d'un événement insignifiant au début de la chaîne pour arriver à une chose catastrophique (ou du moins très différente de la première) à la fin.
Source : https://www.linternaute.fr/dictionnaire/fr/definition/effet-papillon
Ici, on inclus la causalité circulaire.
Mais pour les scientifiques, il faut ajouter une précision à propos de l'origine du phénomène. Elle est due à une infime variation des conditions initiales. C'est de la causalité linéaire.
La fatalité du météore qui me tombe sur la tête.
Quoique ..
On pourrait peut-être se dire que les variations infimes, nous avons prise dessus .. .
En tous cas, prise ou pas prise, cela ne nuit pas à la suite des explications ni aux modalités d'action et d'interactions qui vont suivre.
Je vais comparer les systèmes des relations humaines et la météo.
Nous avons tous croisé dans le monde de l'enfance, le baromètre de l'humeur, le parallèle est poétique mais comme la chanson de Bénabar, l'outil pointe la direction à suivre, une réalité. Celle d'un effet papillon, mais bien plus encore, d'algorithmes en jeu, de formes d'ordre et de chaos du au déterminisme mais aussi a l'aléatoire d'interactions dans le grand dispositif des éléments et des systèmes . Notre comportement nous fait interagir dans ce jeu.
Exemple 1 : Le bouton de porte
Une BD que j'ai lue lorsque j’étais gamin. Le héros de l'histoire avait voulu repeindre un bouton de porte. Mais la porte du coup jurait avec le bouton, il l’avait repeinte, puis c’était le chambranle, le mur, les murs, la pièce entière et à cause d’un peu de peinture renversée, toute la façade de l’immeuble. Un effet tâche d’huile ! A la fin du récit, le héros, perché sur le toit, tel un fou hurlait : “Plus jamais, je ne reprendrai un bouton de porte” !
Exemple 2 : Le phénomène "Me To"
Selon Wikipédia, le mouvement #MeToo (ou mouvement Me Toon ) est un mouvement social encourageant la prise de parole des femmes, afin de faire savoir que le viol et les agressions sexuelles sont plus courants que ce qui est souvent supposé, et afin de permettre aux victimes de s'exprimer sur le sujet. Il a débuté en 2007 et est particulièrement connu depuis octobre 2017 à la suite de l'affaire Weinstein.
Source : https://fr.wikipedia.org/wiki/Mouvement_MeToo
Mais depuis ce phénomène social, certains hommes n'osent plus "draguer" une femme tandis que des décérébrés continuent impunément à la faire. Les tenants du cercle vicieux continuent alors que les tenants du cercle vertueux entrent dans l'ombre.
Est-ce positif ?
Exemple 3 : Le phénomène des travaux scolaires dans mon établissement
Chaque année, les élèves se plaignent d'une quantité importante de travaux à remettre, surtout en fin de période. La hiérarchie tente de prendre des mesures pour endiguer le phénomène : cadastre, directives méthodologiques, .. . Mais force est de constater que le phénomène continue, voire s'aggrave. Une partie du corps professoral semble faire fi des demandes et injonctions, donne des travaux non prévus sur la dernière ligne droite tandis qu'une autre partie qui tentait de respecter l'équilibre paie les pots cassés. Ils donnent cours à groupe d'élèves en portion incongrue et les étudiants viennent les supplier de reporter l'échéance, les modalités des travaux qui étaient pourtant décrits et prévus dès le début de l'année.
Ces trois conflits sont bien des phénomènes d'emballements systémiques où interviennent des conflits interpersonnels (tension entre les personnes) mais aussi intrapersonnels (mal être chez les personnes concernées).
Le conflit est donc un phénomène intra individuel, inter individuel mais aussi systémique !
Nous avons une prise au moins partielle sur son emballement
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