Guide pratique pour une gestion des conflits

Prise de tête ou prise de bec ? Comment intervenir ?

Lorsque vous cherchez sur Internet des solutions pour gérer les conflits, vous tombez souvent sur des articles qui promettent des solutions quasi-miraculeuses pour résoudre les conflits en entreprise. Cependant, ces solutions "clé en main" peuvent s'avérer être une véritable arnaque. Pourquoi ? Parce que les êtres humains sont complexes. Même si nos comportements peuvent sembler simples à première vue, leur combinaison peut engendrer des dynamiques extrêmement complexes.

C'est un peu comme dans la théorie du chaos : un simple battement d'aile de papillon dans un bureau peut déclencher une véritable tornade lors d'une réunion. Avant de chercher à résoudre un conflit, il est donc essentiel de comprendre ce qui se passe réellement. Il faut poser un diagnostic avant de se lancer dans une thérapie.

C'est dans ce contexte que nous abordons le sujet de la gestion des conflits dans un système. Se limiter au milieu professionnel est une illusion. Les mêmes mécanismes qui alimentent le conflit sont à l'œuvre au travail, mais aussi dans la famille, dans le couple et dans la société toute entière !. Bien que les conflits puissent être des opportunités lorsqu'on est en mesure de les dépasser, ils peuvent également causer de terribles dégâts lorsqu'on ne maîtrise pas intellectuellement et pratiquement leur processus, et donc le jeu conflictuel en jeu. Le conflit est un jeu, mais un jeu dangereux ! Cela va du coup de râteau échangé entre bambins, aux assiettes jetées à la tête lors des scènes de ménage, jusqu'aux stratégies guerrières des grands conflits mondiaux. Hélas, ce sont toujours les mêmes "bêtes" rouages qui s'activent ! Dans certains cas de figure nous aurons un coup de râteau dans un bac à sable dans d'autres une guerre nucléaire sur la planète toute entière !

Les conflits peuvent surgir de la diversité des points de vue, des sensibilités et des envies. Ils sont souvent le signe d'une dynamique individuelle ou de groupe complexe et peuvent avoir un impact significatif sur la cohésion de groupe, la robustesse et la performance du système social.

L'objectif des pages qui vont suivre est de vous aider à analyser un conflit, à poser un diagnostic précis et, à partir de ce diagnostic, à fournir des conseils pratiques pour gérer les conflits et maintenir une bonne cohésion interindividuelle, que ce soit dans un groupe, un couple, une société, etc.

Je ne vais pas vous promettre des solutions miracles, mais une approche réfléchie et pragmatique pour comprendre et gérer les conflits le plus efficacement possible.

Depuis un bon nombre d'années, la gestion des conflits a été au cœur de mes préoccupations, notamment dans le cadre de mon cours sur les mécanismes de la relation humaine. En ma qualité de formateur d'éducateurs spécialisés en accompagnement psycho-éducatif, je sais que ces derniers sont quotidiennement aux prises avec une variété de conflits.

J'ai essayé, par le biais de diverses méthodes, d'outiller ces futurs professionnels pour qu'ils puissent affronter les réalités parfois difficiles de leur métier et de leur quotidien.

Toutefois, je dois admettre que les résultats obtenus ont rarement été à la hauteur de mes attentes. Il y avait comme une insouciance déconcertante des personnes impliquées face à la réalité des conflits. Chacun semblait s'engager dans le conflit sans réaliser qu'il était lui-même impliqué. Les méthodes de force brute étaient souvent privilégiées là où la négociation ou la réflexion auraient été plus appropriées. Car c'est là le nœud du problème : face aux conflits, on ne prend pas le temps de réfléchir, on part dans les automatismes du cerveau et si réflexion il y a, elle est orientée vers l'optimisation de l'usage de la force et de la contrainte.

Cela est en totale contradiction avec ma philosophie de l'humanisme et, à mon avis, cela ne contribue pas à l'apaisement d'un conflit. Au contraire, cela ne fait qu'alimenter et amplifier le processus. 

Les conflits?

Pour être capable de mieux les prendre en mains, nous allons aborder les points suivants.  Il conviendra également de se demander si votre intervention relève du travail d'urgentiste ou du spécialiste. Car cela va orienter votre action sur la gestion urgente (situation de crise) ou une analyse posée avant intervention (situation de résolution de problème et de conflit).

Comprendre la nature du conflit

Explication des différentes types de conflits (conflits de valeurs, conflits interpersonnels, etc.).
Le jeu conflictuel : Comprendre les éléments et les interactions typiques qui entrent en jeu en cas de conflits.

Analyser

Une citation attribuée à Albert Einstein lui fait dire "Si j'avais une heure pour résoudre un problème, je passerais 55 minutes à définir le problème et cinq minutes à le résoudre". C'est ce qu'il y a lieu de faire quand le conflit n'est pas dans l'urgence. Je vous propose deux grilles d'analyse du conflit pour le diagnostiquer avant de le traiter.

Gérer

Quelles sont les stratégies les plus adaptées pour gérer le conflit identifié? Importance de la communication et du dialogue pour résoudre les conflits (entretiens individuels, entretiens communs, recours à un médiateur, etc). Importance de rester professionnel ou d'obtenir une distance éducative optimale puis de se concentrer sur les faits.

Prendre en mains le conflit

Les étapes de la résolution de problèmes peuvent être appliquées à la gestion des conflits :

1. Clarifier :

- Définir le but : Quel est le résultat souhaité du processus de résolution de conflits ? Cela peut inclure la restauration de relations, l'obtention d'un consensus, la réalisation d'une tâche ou la résolution d'un différend.
- Recueillir des données : Qui est impliqué dans le conflit ? Quelles sont leurs positions respectives ? Quels sont les enjeux pour chaque partie ?
- Identifier le défi : Quel est le vrai problème sous-jacent ? Quelles sont les causes profondes du conflit ?

2. Chercher :

- Générer des idées : Quels sont les différents moyens pour résoudre le conflit ? Cela pourrait inclure la médiation, la négociation, l'arbitrage, etc.
- Établir un éventail d'actions ou d'interventions possibles : Quels sont les différentes étapes qui pourraient être prises pour chaque option ? Cela devrait être fait sans évaluation à ce stade.

3. Développer :

- Analyser : Quels sont les avantages et les inconvénients de chaque option ? Quelle option est la plus probable pour atteindre le résultat souhaité ?
- Évaluer et choisir : Quelle est la meilleure solution basée sur l'analyse ? Prendre en compte les besoins et les préoccupations de toutes les parties impliquées.

4. Exécuter :

- Mettre en œuvre la solution : Mettre en pratique le plan choisi. Cela pourrait inclure la médiation, la mise en œuvre d'un accord, la mise en place de nouvelles politiques, etc.
- Suivre et évaluer : Surveiller la mise en œuvre de la solution et évaluer si elle atteint les résultats souhaités. Ajuster au besoin.

Chaque étape de ce processus requiert une communication ouverte et honnête, une écoute active, et un engagement envers la résolution pacifique des conflits.

Situation de conflit urgente ou importante ?

Il convient ici de distinguer une tâche urgente et une tâche importante.
Bien que ces termes puissent parfois sembler similaires, ils font référence à des aspects distincts de la gestion des tâches.

- Une tâche urgente est quelque chose qui nécessite votre attention immédiate. Elle est souvent liée à des délais serrés ou à des problèmes qui se présentent de manière inattendue et qui nécessitent une action rapide. L'urgence est basée sur le temps ; ces tâches sont celles qui vous poussent à agir immédiatement en raison de la pression du temps ou de la présence de conséquences immédiates en cas de non-action.

- Une tâche importante, en revanche, est quelque chose qui contribue de manière significative à vos objectifs à long terme, que ce soit dans votre vie personnelle ou professionnelle. Ces tâches sont souvent associées à l'atteinte de vos objectifs ou à la réalisation de projets de grande envergure.
L'importance est basée sur la valeur ; ces tâches sont celles qui contribuent le plus à vos objectifs et à vos priorités.

Il est crucial de comprendre que toutes les tâches urgentes ne sont pas forcément importantes, et vice versa. Parfois, vous pouvez vous retrouver à traiter des tâches urgentes qui ne contribuent pas vraiment à vos objectifs à long terme. De même, certaines tâches importantes peuvent ne pas nécessiter une action immédiate, mais nécessitent néanmoins du temps et des efforts soutenus.

La compréhension et l'application de cette distinction peuvent vous aider à gérer plus efficacement votre temps et vos efforts.

- L'approche de l'urgentiste
Elle est destinée aux situations de crise. Il faut agir rapidement pour résoudre un conflit immédiat.

- L'approche du spécialiste
La situation est importante et permet de prendre le temps d'analyser et de comprendre le conflit avant d'intervenir.

- Il est important de différencier l'important et de l'urgent dans la résolution des conflits
Une bonne gestion du temps et des priorités implique d'évaluer à la fois l'urgence et l'importance des tâches. Cela a été illustré par le concept de la Matrice d'Eisenhower, qui vous aide à décider si une tâche doit être effectuée maintenant, planifiée pour plus tard, déléguée à quelqu'un d'autre, ou éliminée complètement.

L'application de la Matrice d'Eisenhower aux problèmes à résoudre et aux conflits à gérer est une méthode efficace pour prioriser vos actions. L'idée de base reste la même : distinguer ce qui est urgent de ce qui est important.

1. Urgent et important : Nécessite l'approche de l'urgentiste et une action immédiate. Par exemple, un conflit entre des membres clés de l'équipe éducative qui menace l'efficacité de l'ensemble de l'équipe serait à la fois urgent et important. Il est urgent car il perturbe le travail quotidien, et important car il a un impact significatif sur les résultats à long terme de l'équipe.

2. Important, mais pas urgent : Nécessite une approche du spécialiste comme la préconise Albert Einstein, il faut planifiez et prendre le temps de l'analyse pour résoudre le problème. Un exemple pourrait être de planifier des séances de formation en gestion des conflits pour l'équipe éducative. C'est important car cela améliore les relations et l'efficacité à long terme, mais ce n'est pas urgent, car cela ne doit pas nécessairement être fait immédiatement.

3. Urgent, mais pas important : Il convient de déléguez si possible. Il peut s'agir de petits désaccords ou malentendus qui surgissent régulièrement dans le cadre de la vie de groupe quotidienne. Ils peuvent nécessiter une intervention rapide, mais ils ne sont pas cruciaux pour l'équilibre du groupe à long terme. Ces problèmes peuvent souvent être délégués à des membres de l'équipe ou résolus avec des réponses rapides et non complexes.

4. Ni urgent, ni important : Il convient d'éliminer ces tâches car ce sont généralement des problèmes mineurs ou des conflits qui n'ont pas d'impact significatif sur l'équilibre, le bien-être, l'efficacité ou les résultats du groupe. Par exemple, des débats sans fin sur des sujets sans pertinence pour le travail en cours.

Gardez à l'esprit que la classification de ces problèmes et conflits dépend souvent du contexte et peut changer avec le temps. Un conflit qui commence comme étant ni urgent ni important peut devenir à la fois urgent et important si on le laisse s'aggraver sans intervention. Par conséquent, la réévaluation régulière de vos problèmes et conflits à l'aide de cette matrice est une bonne pratique.

Méfiance pour les solutions rapides et superficielles

La dépendance à une solution rapide, selon les observations de Bateson, nous pousse parfois à favoriser des résolutions offrant un soulagement immédiat, mais susceptibles d'aggraver les problèmes à long terme. Par exemple, plutôt que de s'attaquer à la cause sous-jacente d'un conflit, une personne peut simplement se tourner vers des solutions de crise et immédiates pour apaiser les symptômes, entraînant ainsi une dépendance à ce type de solution et une détérioration du conflit. Ce type de piège est particulièrement insidieux, car il renforce le comportement à l'origine du problème. Il est en lien avec les concepts de changements de premier et de deuxième ordre décrits par Watzlawick.

Lorsqu'une personne subit un stress chronique au travail, une solution de premier ordre serait de recourir à des moyens immédiats pour gérer ce stress, comme l'utilisation de calmants ou d'autres substances. Ce type de solution, bien que potentiellement efficace à court terme, n'apporte pas de changements durables à la situation. Il s'agit en effet d'un ajustement à l'intérieur du système existant : la personne s'efforce de maintenir son équilibre dans un environnement de travail stressant sans modifier la structure de ce système.

Cependant, ce type de solution peut devenir problématique si la personne en devient dépendante, ce qui renforce le comportement à l'origine du problème et peut potentiellement aggraver la situation à long terme, comme l'indique le texte de Bateson. Dans ce cas, l'individu tombe dans un piège d'une résolution offrant un soulagement immédiat mais aggravant les problèmes à long terme.
De plus, comme la cause sous-jacente n'est pas résolue, le stress continuera probablement à se manifester, obligeant l'individu à utiliser de plus en plus de substances pour gérer ses symptômes. Cela crée un cercle vicieux, où la personne devient de plus en plus dépendante de cette solution rapide, aggravant ainsi la situation initiale.

Par contre, une approche de deuxième ordre consisterait à s'attaquer à la cause sous-jacente du stress, comme un manque d'organisation, une mauvaise répartition des tâches, ou un environnement de travail toxique. Il s'agit ici d'un changement fondamental du système lui-même : l'individu cherche à transformer radicalement la structure de son environnement de travail afin de créer un espace plus sain et moins stressant.

Ce type de solution requiert souvent plus de temps et d'efforts pour être mis en œuvre, mais il est susceptible d'apporter des résultats plus durables et plus positifs à long terme. En effet, en modifiant la structure du système, on rompt le cercle vicieux et on évite de tomber dans la dépendance à une solution rapide.

C'est un exemple typique de la dépendance à une solution rapide comme décrite par Bateson mais cela illustre l'importance de l'équilibre entre les changements de premier et de deuxième ordre décrits par Watzlawick. Si une solution de premier ordre peut être utile pour gérer un symptôme à court terme, il est souvent nécessaire d'adopter une approche de deuxième ordre pour résoudre la cause sous-jacente du problème et éviter de tomber dans la dépendance à une solution rapide.


Edition juillet 2023 - Pascal Rivière.

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