Slam d’une dette invisible
Dans ce slam au goût amer et à la langue bien affûtée, je dresse le portrait d’une générosité intéressée, une bonté comptable, une entraide conditionnelle.
Il y a ceux qui donnent… et ceux qui prêtent sous couvert d’altruisme. Ma mère, personnage central et symbolique de ce texte, incarne cette figure discrètement toxique qui crée des "dettes de reconnaissance" comme d’autres accumulent des points fidélité.
À travers l’ironie, les images grinçantes et les mots qui claquent, j’interroge : quand un geste est-il vraiment gratuit ?
Et que cache, derrière le sourire aidant, le besoin d’être remercié ?
Ce slam, c’est un règlement de compte poétique. Une satire en vers libres.
Une manière de remettre les pendules à l’heure… et les cœurs à nu.
"Ces gens me sont reconnaissants !"
Ah, cette phrase ! Ma mère la susurre comme une incantation… ou plutôt comme un banquier véreux qui aurait lu un traité de morale inversée. Ce qui revient au même, d’ailleurs, l’escroquerie en col blanc est une vocation de cœur.
Après la reconnaissance de dette, voici la dette de reconnaissance !
Elle a le don, oui, le don rare de créer de la dette avec la grâce d’un percepteur amoureux. Des dettes de services rendus, bien entendu. De ces petites chaînes invisibles qu’on passe autour des cous avec un sourire de Saint-Bernard. Sauf qu’elle n’est pas un chien de secours, ma mère. Non. Elle est la gardienne des comptes émotionnels.
Quand elle aide, ce n’est pas avec le cœur, oh non. C’est avec une calculette planquée sous le gilet en laine. Chaque coup de main est un emprunt toxique. Taux variable : flatterie obligatoire.
Les élèves à qui elle a donné cours ? Ils sont reconnaissants, évidemment ! La gratitude comme rente mensuelle. Et cette personne qu’elle a dépannée un jour de pluie ? Éperdue de reconnaissance ! Normal : ma mère a le parapluie, mais pas pour vous couvrir, non… pour vous faire de l’ombre.
C’est une usurière de l’estime, une collectrice de merci. Elle adore voir les gens endettés, comme d'autres chassent les papillons. Elle exerce ainsi son petit pouvoir de demi-déesse ménagère, régnant sur un royaume de débiteurs émus mais enchainés.
La vraie bonté, la discrète, celle qui agit en catimini et fuit les remerciements comme la peste ? Très peu pour elle. Trop peu rentable, pas assez de retour sur investissement affectif !
Cette œuvre est mise à disposition selon les termes de la Licence Creative Commons Attribution - Pas d'Utilisation Commerciale - Pas de Modification 4.0 International.
HTML Website Maker